Sexisme au travail : comprendre, reconnaître et agir 

Selon une étude du Conseil Supérieur de l’Égalité Professionnelle, 80% des femmes salariées considèrent qu’elles sont régulièrement confrontées à des attitudes ou des décisions sexistes dans leur environnement professionnel. Un chiffre alarmant qui témoigne de la persistance d’un phénomène souvent banalisé, mais aux conséquences réelles sur la vie professionnelle et personnelle des victimes.

Le sexisme au travail ne se limite pas à quelques blagues déplacées. Il s’agit d’un ensemble de comportements qui, qu’ils soient intentionnels ou non, contribuent à maintenir des inégalités professionnelles profondes entre les femmes et les hommes.

Illustration différences sexisme au travail

Comprendre le sexisme au travail

Qu’est-ce que le sexisme ?

Le sexisme se définit comme l’ensemble des comportements, propos et attitudes discriminatoires fondés sur le sexe ou le genre d’une personne. Au travail, il se manifeste par des actes qui ont pour effet de porter atteinte à la dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant ou offensant.

Contrairement à certaines idées reçues, le sexisme peut prendre des formes très diverses et ne se limite pas aux comportements les plus caricaturaux. Il peut être subtil, masqué derrière l’humour ou même se présenter sous des apparences bienveillantes.

Un point important à comprendre : le sexisme au travail peut être constitué par un acte isolé, contrairement au harcèlement sexuel qui suppose une répétition des faits. Un seul commentaire suffisamment dévalorisant peut donc être qualifié d’agissement sexiste s’il répond aux critères légaux.

Différenciation entre sexisme, harcèlement sexuel et séduction

Il est important de distinguer ces trois notions qui font parfois l’objet de confusions :

Tableau explicatif des comportements
Comportement Définition Caractéristiques Cadre légal
Sexisme Discrimination fondée sur le genre Peut être un acte isolé, porte atteinte à la dignité Interdit par le Code du travail
Harcèlement sexuel Comportements à connotation sexuelle Actes répétés, impose un climat offensant Interdit par le Code pénal et le Code du travail
Séduction Interaction visant à susciter l’intérêt Respect mutuel, absence de pression Licite si consentie et respectueuse

La séduction n’est pas répréhensible en soi, mais elle devient problématique dès lors qu’elle crée un déséquilibre de pouvoir ou qu’elle s’accompagne de pressions. La frontière peut parfois sembler ténue pour certains, d’où l’importance d’une sensibilisation régulière.

deux bonhomme en bois sur une balance, un rose un bleu pour représenter le sexisme au travail

Qu’est-ce qui est considéré comme du sexisme au travail ?

Le sexisme au travail se manifeste sous différentes formes, parfois évidentes, parfois plus insidieuses. Identifier ces manifestations constitue la première étape pour pouvoir les combattre efficacement.

Le sexisme ouvertement hostile

C’est la forme la plus visible et la plus facilement identifiable du sexisme. Il s’exprime par des comportements clairement discriminatoires et des propos explicitement dévalorisants.

Exemples :

  • Des remarques directes sur l’incapacité supposée des femmes à occuper certains postes techniques
  • Des écarts de rémunération injustifiés entre hommes et femmes à compétences égales
  • Le refus de confier certaines responsabilités à un homme dans des secteurs traditionnellement « féminins »
  • Des commentaires déplacés sur la place des femmes (« Ta place est à la cuisine, pas en salle de réunion »)

Ces comportements, bien qu’évidents dans leur caractère sexiste, persistent dans de nombreux environnements professionnels.

Le sexisme masqué

Plus difficile à détecter, le sexisme masqué se cache derrière l’humour, les traditions ou la culture d’entreprise. Il crée un climat délétère sans que les auteurs n’assument pleinement la dimension sexiste de leurs actes.

Le sexisme masqué s’exprime notamment par :

  • Des « blagues » récurrentes à caractère sexiste
  • Des interpellations familières ou infantilisantes (« ma petite », « ma belle », « ma cocotte »)
  • L’attribution systématique de tâches subalternes aux femmes (prendre des notes, servir le café)
  • Des interruptions fréquentes de la parole des femmes en réunion (phénomène de « manterruption »)

Le sexisme masqué est particulièrement pernicieux car il est souvent banalisé, voire défendu au nom de la tradition, de l’humour ou d’une prétendue bienveillance.

Le sexisme subtil

Le sexisme subtil relève des micro-agressions et des biais inconscients. Ces comportements peuvent sembler anodins pris isolément, mais leur accumulation crée un environnement hostile et discriminant.

Parmi les manifestations du « sexisme subtil » on retrouve :

  • Des remarques sur l’apparence physique plutôt que sur les compétences
  • L’expression de doutes implicites sur les capacités (« Tu as fait ça toute seule ? »)
  • L’attribution de qualités différentes selon le genre (femmes « empathiques », hommes « analytiques »)
  • L’exclusion informelle de certains réseaux professionnels

Ces micro-agressions répétées finissent par éroder la confiance et limiter les perspectives d’évolution professionnelle des personnes qui en sont victimes.

Le sexisme bienveillant

Particulièrement sournois, le sexisme bienveillant se présente sous les traits de la protection ou de la valorisation, mais contribue en réalité à perpétuer les stéréotypes de genre.

Le sexisme bienveillant peut prendre les formes suivantes :

1. Des comportements « protecteurs » excessifs (« Je ne te confie pas ce client difficile, ce serait trop dur pour toi »)

2. Des compliments inappropriés sur des qualités supposément féminines (« Les femmes sont naturellement douées pour la communication »)

3. Une mise sur piédestal qui enferme dans des rôles genrés

Le danger du sexisme bienveillant réside dans sa capacité à se faire passer pour de la considération, alors qu’il conduit en réalité à limiter les opportunités professionnelles et à maintenir les plafonds de verre.

Trois hommes regardant mal une femme pour représenter le sexisme au travail et dans les entretiens d'embauche

Les agissements sexistes : une réalité courante

Cadre juridique et réglementation en France

La législation française a progressivement renforcé son arsenal contre le sexisme au travail. Le droit français considère désormais explicitement les agissements sexistes comme une forme de discrimination professionnelle.

L’article L. 1142-2-1 du Code du travail définit l’agissement sexiste comme : « tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. »

Points essentiels à retenir sur le cadre juridique :

  • Contrairement au harcèlement sexuel, un acte unique peut constituer un agissement sexiste
  • L’intention de l’auteur n’est pas requise, seul l’effet compte
  • L’employeur a une obligation légale de prévention
  • Les sanctions peuvent être disciplinaires et civiles

Les recours possibles pour les victimes sont multiples et peuvent être exercés devant différentes instances : conseil de prud’hommes, défenseur des droits, inspection du travail, …

Il est important de noter que si le sexisme est considéré comme une discrimination, il n’est pas directement punissable pénalement en tant que tel, sauf s’il se double d’autres infractions (harcèlement, injures publiques, etc.).

Les risques professionnels et les obligations de prévention

Le sexisme constitue un risque professionnel à part entière, avec des conséquences mesurables sur :

  • La santé psychologique (stress, anxiété, perte de confiance)
  • La performance individuelle et collective
  • Le taux d’absentéisme et de turnover
  • La réputation de l’entreprise

Face à cette réalité, l’employeur a une obligation légale de prévention qui s’articule autour de trois axes :

1. Prévention primaire : sensibilisation, formation, mise en place d’une politique claire

2. Prévention secondaire : mécanismes d’alerte et de signalement, procédures de traitement

3. Prévention tertiaire : accompagnement des victimes, sanctions des auteurs

Les entreprises doivent mettre en place des dispositifs concrets pour :

  • Former les managers et les collaborateurs
  • Établir des procédures claires de signalement
  • Documenter et traiter les incidents
  • Intégrer la lutte contre le sexisme dans leur politique RH globale

Ces dispositifs ne constituent pas seulement une obligation légale, mais représentent également un véritable enjeu de performance sociale et économique.

Vous êtes employeur et vous cherchez un accompagnement professionnel pour faire face au sexisme dans votre établissement ?

Que faire contre le sexisme au travail ?

Victime de sexisme au travail, que faire ?

Faire face au sexisme quand on en est victime requiert courage et méthode. Voici quelques actions concrètes à entreprendre :

1. Documenter les faits

Gardez une trace écrite de tous les incidents en notant :

  • La date, l’heure et le lieu
  • Les personnes présentes
  • Les propos ou comportements exacts
  • Votre réaction et celle des témoins

Ce journal constitue un élément de preuve précieux en cas de procédure.

2. Exprimer son refus

Lorsque c’est possible, exprimez clairement et fermement votre désaccord face aux comportements sexistes. Une réponse immédiate peut mettre fin à certaines situations et pose des limites claires.

3. Alerter et signaler

Le signalement peut suivre plusieurs canaux :

  • Votre supérieur hiérarchique (sauf s’il est l’auteur des faits)
  • Le service des ressources humaines
  • Les représentants du personnel
  • Le référent harcèlement sexuel, si votre entreprise en a désigné un
  • L’inspection du travail ou le médecin du travail

Ne restez pas isolé(e). Près de 30% des victimes de sexisme au travail ne signalent jamais les faits, souvent par peur des représailles ou par manque de confiance dans le système.

Témoin de sexisme au travail : que faire ?

Le rôle des témoins est décisif dans la lutte contre le sexisme. Voici comment agir pour venir en aide :

1. Intervenir dans l’instant

  • Interrompre poliment mais fermement le comportement sexiste
  • Rediriger la conversation
  • Soutenir la personne visée

2. Valider l’expérience de la victime

  • Reconnaître que ce qu’elle a vécu n’est pas acceptable
  • Éviter les minimisations du type « ce n’est pas si grave » ou « c’était juste pour rire »

3. Proposer son témoignage

  •   Offrir de confirmer les faits en cas de signalement
  •   Se montrer disponible pour appuyer la démarche de la victime

L’intervention des témoins est un puissant levier de changement culturel dans l’entreprise. Elle contribue à créer une norme sociale où le sexisme n’est plus toléré ni banalisé.

deux hommes et deux femmes travaillant pour lutter contre le sexisme au travail

En tant qu’entreprise

Les organisations ont un rôle déterminant à jouer dans la prévention et la lutte contre le sexisme au travail. Voici une approche structurée en trois temps :

Étape 1 : Diagnostiquer :

  • Réaliser un état des lieux des pratiques et de la culture d’entreprise
  • Mettre en place des baromètres sociaux incluant des questions sur le sexisme
  • Analyser les données RH pour identifier d’éventuels écarts de traitement

Étape 2 : Prévenir

  • Former l’ensemble du personnel, avec une attention particulière pour les managers
  • Élaborer et diffuser une charte contre le sexisme
  • Intégrer la lutte contre le sexisme dans les valeurs et la communication de l’entreprise

Étape 3 : Traiter

  • Mettre en place une procédure claire de signalement et de traitement
  • Garantir la confidentialité et la protection des personnes qui signalent
  • Appliquer des sanctions proportionnées et cohérentes

Une approche efficace doit être globale et s’intégrer dans une politique plus large d’égalité professionnelle et de qualité de vie au travail.

Les entreprises qui souhaitent mettre en place une démarche structurée de prévention du sexisme peuvent s’appuyer sur l’expertise de cabinets spécialisés comme Eleas.

Le sexisme au travail n’est ni une fatalité, ni un phénomène marginal. Il constitue une réalité quotidienne pour de nombreux salariés, majoritairement des femmes, et impacte négativement tant leur carrière que leur bien-être psychologique.

Comprendre les différentes formes de sexisme, du plus hostile au plus subtil, constitue la première étape pour pouvoir les identifier et les combattre efficacement. La lutte contre ce fléau nécessite l’implication de tous les acteurs : victimes, témoins, managers, RH et direction.

Chacun à son niveau peut agir. Que vous soyez victime, témoin ou décideur, des leviers d’action existent. La sensibilisation, la formation et la mise en place de processus clairs de signalement et de traitement constituent les piliers d’une démarche efficace.

Le sexisme au travail n’est pas qu’une question d’égalité ou de respect – c’est aussi un enjeu de performance et de responsabilité sociale pour les entreprises du 21ème siècle.

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